Aurélien Débat
15.06.2023

Entre bâtons et élastiques

Discussion avec Aurélien Débat, à l’occasion de sa deuxième résidence au Bel Ordinaire, en préparation de l’exposition qui ouvrira ses portes en septembre 2023. Assis dans la cuisine collective du lieu — entre deux couches de peinture sur les 30 000 bâtonnets qui constitueront les éléments de structure de l’exposition — nous échangeons sur l’hybridité de sa pratique et la diversité des champs des arts visuels qu’il explore, entre illustration, architecture, design graphique, scénographie et fabrication d’objets.

Adèle Chaplain Ta formation d’illustration et ton début de carrière comme illustrateur jeunesse semblent bien loin de ta pratique actuelle. Comment la définis-tu ?

Aurélien Débat J’ai toujours eu du mal à la définir. Je dis souvent que je suis illustrateur, car c’est ma formation et j’assume cette appellation. Je ne me sens pas forcément légitime à dire que je suis designer ou artiste. Alors, si je dois définir mon travail, je décrirai plutôt ce que je fais, qui est effectivement au croisement de plusieurs pratiques. Il y a de l’installation, de l’édition, du jouet, de la scénographie… Même dans le design, il y a un monde entre ceux qui font du design industriel, et des personnes comme Marion Pinaffo et Raphaël Pluvinage qui ont une pratique étrange entre l’art et le design. Quant à la définition classique de l’illustration, elle entretient un grand rapport avec la narration, le fait de raconter en image. Ma pratique s’éloigne de plus en plus du dessin, qui devient juste un outil préparatoire à du volume ou un dispositif de jeu. Même dans mes manières de dessiner, j’utilise de plus en plus d’outils de tracés vectoriels, pour faire des plans ou des grilles de combinaisons par exemple. Le dessin constitue moins une finalité, et j’y trouve moins de plaisir. Je pense d’ailleurs que je n’ai jamais dessiné uniquement pour le plaisir. Je n’ai pas de pratique de carnet de croquis, de représentation. C’est un moyen d’exprimer des choses, ça a pu passer et ça passe toujours aujourd’hui par là, mais c’est surtout un outil. Cela m’arrive encore de faire des images pour la presse ou une commande, mais c’est extrêmement rare, et je pense que dans ma pratique personnelle cela doit faire dix ans que je n’ai pas dessiné une figure humaine. Alors que mes premiers travaux en sortant d’école étaient très classiques, car c’était ce à quoi me destinait ma formation aux Arts Décoratifs : être capable de tout dessiner et d’illustrer un texte. Puis j’ai commencé à m’intéresser aux outils modulaires.

Vue de la première exposition au centre d’art Mille Formes, Clermont-Ferrand, 2021.

A.C. J’ai le sentiment que la recherche d’un style personnel cristallise ces questions autour des définitions de nos pratiques en tant qu’artistes ou designers. Certains affirment que le designer ne devrait pas avoir d’écriture trop personnelle, d’autres la recherchent quitte à y être enfermés…

A.D. Personnellement, je ne suis pas certain d’avoir un style de dessin. J’espère qu’il y a quelque chose de cohérent dans l’ensemble de mes travaux, mais je ne saurais pas définir un style, contrairement à Benoît Bonnemaison-fitte dit Bonnefrite par exemple, dont on reconnaît immédiatement le dessin. S’il y a une notion de style, elle existe peut-être dans la manière d’aborder des sujets qui m’intéressent, de les représenter. Il y a toujours quelque chose qui passe par l’outil, la fabrication. Par exemple, pour Tamponville, le fait d’accumuler, superposer des images, des périodes, des styles, correspond à la manière dont se construit une ville. Elle n’est jamais faite par les mêmes personnes, où alors c’est très rare et très étrange. Le tampon fonctionnait très bien avec cette idée, parce que l’objet et son utilisation correspondent à cela. Cette importance de la fabrication est également présente dans les images de pièces montées pour Fontevraud, car il y a un rapport entre la sculpture et le jeu, on superpose et on combine des éléments. De même pour la résidence à Arromanches sur les bunkers qui s’enfoncent dans le sable. J’en ai fait une série de dessins, mais le principal tenant du projet était le seau de plage : on pouvait faire des moulages de bunkers en sable sur la plage. Très vite, quand la mer arrivait, ils s’autodétruisaient et en l’espace de trois minutes, on assiste à ce qui se passe dans la réalité en une cinquantaine d’années. Quand un sujet m’est donné, je vais chercher une manière formelle de le représenter, c’est-à-dire à la fois dans la forme et dans la technique de fabrication.

Vue de l’exposition  Pièces montées, Abbaye royale de Fontevraud, 2018.

A.C. Cela te pose-t-il des problèmes de ne pas attacher d’importance à définir ta pratique ?

A.D. Je ne sais même pas. Une fois devant le fait accompli, je crois que les gens ne se posent pas la question. C’est flagrant chez les enfants, qui peuvent apprécier un livre ou une œuvre sans se demander à aucun moment si ça leur est destiné ou pas. Ceux que cela dérange sont peut-être les personnes qui ont besoin de te classer. Par exemple, certaines librairies qui pourraient avoir du mal à ranger ton travail : dans le rayon jeunesse, art, adulte ou un éditeur qui hésite à publier un livre qu’on ne saura pas classer en librairie… Mais justement, l’intérêt réside dans le fait qu’il existe plein de ponts, beaucoup d’endroits qui créent des passerelles entre toutes ces pratiques, comme ici au Bel Ordinaire. Souvent, surtout pour les projets d’installations, mon travail consiste à créer des liens avec les publics, en particulier les publics jeunesse.

Détails de recherches de teintes pour peindre les bâtonnets destinés à l’exposition  Bâtons et élastiques, Bel Ordinaire, 2022.

A.C. Oui, quelque chose se crée en temps réel : des dispositifs participatifs, comme les cabanes pour la compagnie En attendant… ou l’exposition Bâtons et élastiques que tu prépares au Bel Ordinaire. Qu’est-ce qui t’intéresse dans cette approche ?

A.D. Je pense que c’est lié à mon intérêt pour l’outil, qui est arrivé avec les tampons. Cela rejoint ma grande préoccupation qui est de réunir des conditions et un environnement propices à la création. Créer des langages graphiques et des systèmes d’écriture sont des recherches qui m’animent fortement. Cela peut paraître prétentieux parce que je n’ai aucune maîtrise de la typo mais cette idée se rapproche pour moi du travail d’un typographe qui dessine un caractère. Par la suite, ce que les gens en font ne lui appartient plus, ils peuvent faire des trucs tout pourris, écrire des choses atroces. Ce qui me plaît là-dedans, c’est que le typographe disparaît. Par exemple, tout le monde utilise une Helvetica  sans jamais savoir qui l’a dessinée. Ce n’était pas facile quand j’ai commencé à travailler comme ça, d’accepter que le résultat obtenu avec le langage que tu as dessiné ne dépend plus de toi. Tu es obligé de lâcher prise et d’accepter qu’ils fassent peut-être n’importe quoi avec tes cabanes, tout casser. Dans mes premiers dispositifs participatifs, c’était un peu difficile de voir les choses sur lesquelles j’avais travaillé, être utilisées à des fins que je n’avais pas forcément prévues.

Détails d’un test de structure pour l’exposition  Bâtons et élastiques, Bel Ordinaire, 2022.

A.C. Dans un entretien de Fanette Mellier publié chez B421, elle évoque les différences entre les pratiques d’illustration et de design graphique, se trouvant elle-même dans une position intermédiaire à mon sens. Aujourd’hui, il existe énormément de personnes qui ont une pratique transversale, font de l’illustration, ou en tout cas de l’image dessinée, et savent par ailleurs gérer des projets de design éditorial.

A.D. On voit passer, même au sein de maisons d’édition très chouettes, des illustrateurs et illustratrices qui n’ont aucune idée de la manière dont sont fabriqués les livres, et n’utilisent pas ce support pour travailler. Mais il existe quelques personnes qui travaillent avec — comme Bastien Contraire ou tous les anciens de la revue Belles Illustrations, ceux qui ont participé à la revue Lagon par la suite, comme Sammy Stein. Ces personnes sont aussi imprimeurs, et s’intéressent profondément à la fabrication. J’évoquais également Marion Pinaffo et Raphaël Pluvinage, qui ont une formation de designers, mais une pratique de création d’images — même si ce n’est pas de l’illustration stricte. Quand je suis sorti de l’école, j’ai fait presque uniquement des travaux de commandes en presse et édition jeunesse, mais je n’y connaissais rien du tout à l’impression. J’avais fait de la sérigraphie, mais je ne connaissais pas l’offset. Par ailleurs, il y a peu d’éditeurs qui te laissent une marge de manœuvre sur la fabrication ou qui ont le loisir de t’impliquer dans ce processus. Souvent, quand les livres sont fabriqués, on te propose deux sortes de papier, et pour avoir un ton direct en plus c’est compliqué. Personnellement, j’ai découvert tout ça en faisant de l’auto-édition, des fanzines et en travaillant en tant que graphiste, par exemple avec Patrick Lindsay pour Châteauvallon. Ces projets nous ont permis d’aller chez l’imprimeur, de comprendre comment le processus fonctionne, de dialoguer avec lui et d’utiliser l’économie de la fabrication. Quand tu es gestionnaire d’un budget de fabrication, tu peux, avec l’imprimeur, faire en sorte de trouver des solutions pour optimiser ton projet, jouer avec ces contraintes de fabrication. Ce qui est génial.

A.C. Dans l’installation 1,2,3 cabanes !  pour la compagnie de théâtre dijonnaise En attendant…, tu pars d’un concept très large et tu finis par discuter des moindres détails de réalisation, en passant par la création d’un système de scénographie modulaire. Est-ce important pour toi d’avoir le « contrôle » sur tous ces aspects ?

A.D. Rencontrer d’autres personnes, qui ont d’autres métiers, m’intéresse énormément. J’aime comprendre comment tout le système technique fonctionne et c’est beaucoup plus intéressant que de se contenter d’envoyer quelque chose qui doit être réalisé. Cette compréhension des aspects techniques me semble très importante pour adapter son projet. Souvent, on a une idée en tête, elle n’est pas réalisable, mais en comprenant comment les autres métiers fonctionnent, on trouvera des solutions. Par exemple, lors du projet des sérigraphies pour Fontevraud, mon but était de faire des grandes images avec plusieurs couleurs. La sérigraphie est un système d’impression industriel, pour faire des séries et non des images uniques. Il y a un budget, et le plus cher est de faire un écran et le calage. En revanche, si tu comprends que tu peux, à l’imprimerie, combiner les impressions, retourner les papiers et que tu construis des images en fonction de ce système-là, tu peux obtenir vingt-cinq images différentes avec seulement quatre écrans.

A.C. Tu t’amuses donc à construire tes images selon les contraintes techniques.

A.D. Oui, les contraintes deviennent un jeu. Lorsque tu commences à utiliser ce jeu, ces modules, tu arrives dans une dimension nouvelle qui est l’aléatoire et qui devient amusante. Tu obtiens des images, des combinaisons auxquelles tu ne t’attendais pas. Cela me donne les mêmes sensations que celles que j’ai pu avoir en testant l’animation. Le travail est très laborieux, image par image, mais à la fin tu appuies sur play  et là, il y a du mouvement.

A.C. Contrôler des champs de compétences très divers fait ainsi partie de ton travail. Tu sembles même avoir des sensibilités en typographie. Cela t’arrive-t-il encore souvent de travailler avec des designers comme Patrick Lindsay, ou choisis-tu aujourd’hui des projets pour lesquels tu n’as pas besoin d’un travail de graphisme, trop loin de tes compétences ?

A.D. Non, pas vraiment. J’ai travaillé en atelier avec des graphistes qui m’ont montré certaines manières de faire, mais je suis très mauvais. Je ne ferai jamais un travail d’identité graphique ou de communication sans travailler avec un graphiste. Je suis incapable de mettre en page un programme. Quand je travaille avec Patrick, j’ai bien sûr un avis sur la maquette et ce dont on a envie. J’ai un rôle important dans la fabrication et la conception de l’objet : comment il se découpe, comment il se lit. Mais ici, je crois que l’on est dans un travail d’édition, de rapport texte/image, de rythme…

Détails de peinture des bâtonnets destinés à l’exposition  Bâtons et élastiques, Bel Ordinaire, 2022.

A.C. Avec le recul, es-tu content de ta formation en illustration aux Arts Décoratifs de Strasbourg ?

A.D. Oui ! Même si l’atelier illustration était très spécifique, centré sur l’image narrative, on était dans une école d’art, donc mes amis d’étude ne font pas uniquement de l’illustration et j’ai pu croiser d’autres pratiques. C’est une école dans laquelle tu es très libre : du savoir et un environnement techniques sont mis à ta disposition pour faire des projets personnels. On est dans une démarche d’apprentissage et de remise en question permanents, que l’on peut poursuivre toute sa vie.

A.C. Est-ce cette manière de travailler qui t’a donné les clés plus tard pour ouvrir ta pratique à une conception plus large de l’illustration, qui t’a donné envie d’aller voir des imprimeurs par exemple ?

A.D. Pas directement non, parce qu’au début je n’étais pas intéressé par cela, et je n’en avais pas connaissance. En sortant de l’école, j’étais très formaté par cette manière de dessiner, de construire des histoires narratives, même si dans mes projets de diplôme, on retrouvait une pratique un peu transversale, en lien avec la forme. Cette ouverture est arrivée plus tard, à un moment où j’en avais marre de répondre à des commandes. J’ai commencé à faire des fanzines et de l’auto-édition, c’est venu de là.

A.C. Aujourd’hui, la micro-édition semble être un champ qui permet de cultiver ce dialogue entre design éditorial et illustration narrative, ou dessin en général. À mon sens, faire du design consiste à jouer avec les contraintes et connaissances techniques et faire des choix qui concernent différents aspects d’un même projet.

A.D. Concernant la micro-édition, c’était encore différent à mon époque. Déjà, il n’y avait pas la risographie, qui est apparue en France dans les années 2010. Avec la risographie, tu quittes ce réflexe d’entrer un fichier dans une machine qui t’en sort une image. Elle est un mélange entre la sérigraphie et une imprimante classique, et les mélanges de couleurs ne sont pas les mélanges habituels. Alors, il faut composer avec cela et elle te pousse à tester des choses. En revanche, il commence à y en avoir vraiment beaucoup, alors c’est intéressant de voir des personnes expérimenter d’autres techniques aujourd’hui. Toujours est-il que pour le fanzinat, l’auto-édition est vraiment intéressante, car tu dois gérer le budget de ton objet du début à la fin : à quel prix le vendre, comment l’imprimer et le fabriquer. Tu réfléchis à comment utiliser les machines et leur potentialités pour en tirer le maximum. Je crois que c’est presque ce qui m’intéresse le plus, davantage que de faire le livre. En ce sens, si le design est défini par une idée de rapport entre des contraintes de fabrication, de série et la conception d’objets singuliers… oui, on peut considérer que je fais du design.

Vue du résultat de la production des bâtonnets destinés à l’exposition  Bâtons et élastiques, 2022, Bel Ordinaire.

Entretien réalisé par Adèle Chaplain le 27.11.2022.


  1. Alexandre Dimos, Francine Foulquier, Victor Guégan, La Fabrique de Fanette Mellier, Éditions B42, Paris, 2022 

Pour continuer :

Vincent Zonca → La mousse, partenaire de vie et de pensée
8vo → Back to the Nineties
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Vincent Zonca
15.06.2022

La mousse, partenaire de vie et de pensée

Durant un semestre, nous, étudiants en DNSEP design graphique, accompagnés de Grégory Ambos, avons questionné nos manières de voir, de représenter et de parler du monde vivant. Dans le cadre de ces Ateliers du voir, j’ai choisi de mener mon enquête sur les mousses. Intéressée par l’approche transdisciplinaire de l’essayiste Vincent Zonca sur le lichen, son sujet d’étude, je souhaitais le questionner à propos des mousses. Nous nous sommes rencontrés une première fois, avec ma classe, pour qu’il nous présente l’enquête qu’il a menée sur le lichen et sa restitution éditoriale : Lichen. Pour une résistance minimale.

Coline Houot Mousses et lichens sont deux êtres vivants ubiquistes1 qui s’étendent sur diverses surfaces de notre environnement. Communs et discrets, par la dimension banale à laquelle ils sont rattachés, ils se noient dans notre perception du réel. Mais c’est bien cela qui me captive : leur ténacité à se déployer dans l’ombre, avec modestie. Cette banalité me rappelle le mot « endotique » employé dans ton livre et extrait de l’ouvrage de Georges Perec, L’Infra-ordinaire. Pourquoi rattacher nos vivants à ce terme ?

Vincent Zonca Tout d’abord, je ne suis pas spécialiste des mousses. D’un point de vue biologique, mousses et lichens n’ont pas du tout le même fonctionnement. Mais sur les plans esthétique, éthique et philosophique, nous retrouvons, chez ces deux vivants, de nombreuses convergences.
  Durant un certain temps, les plantes ont quelque peu été les grandes abandonnées des discours écologiques. Dans le monde occidental, les lichens ont été associés aux mousses jusqu’au XVIIIe siècle. Longtemps, nous avons rangé dans la même classe lichens et mousses simplement parce que morphologiquement les deux se ressemblaient. L’invention du microscope nous a permis de mieux les connaître, les comprendre et donc distinguer le lichen des autres espèces. Les mousses sont légèrement plus connues que ce dernier. Bien qu’elles aient une grande variété de formes, nous savons les reconnaître, les nommer. Elles font tout de même partie du moins connu dans le moins connu.
  J’ai découvert tardivement la notion d’endotique, en lisant Georges Perec et en partant au Brésil, je me suis demandé ce qui m’intéressait dans la nature brésilienne et dans le lichen. À travers mes lectures de Perec, mais aussi de Jean-Jacques Rousseau et Antoine Emaz, j’ai réalisé que la biodiversité peut être incroyable à proximité et que l’on peut déceler de l’exotique dans le familier. Cette notion d’endotique m’a été fondamentale parce qu’elle permet de faire un système d’opposition, de rappeler que l’on peut trouver de l’exotique dans le quotidien. Les mousses et le lichens font partie de l’inconnu dans le connu, et si nous étions véritablement connectés à notre territoire sur les différents plans (nature, culture, etc.), nous pourrions davantage repérer l’exotique. Ce changement de vision est le point de départ à adopter. Perec explique également que « peut-être s’agit-il de fonder enfin notre propre anthropologie : celle qui parlera de nous, qui ira chercher en nous ce que nous avons si longtemps pillé chez les autres. » Il ne s’agit pas de faire de l’anthropologie des indigènes en Amazonie, mais de faire aussi de l’anthropologie de nous-même et de renverser notre regard. Il ajoute ceci : « Non plus l’exotique, mais l’endotique. Interroger ce qui semble tellement aller de soi que nous en avons oublié l’origine. » Et j’aimerais te partager une citation de Rousseau : « Selon moi, le plus grand agrément de la botanique est de pouvoir étudier et connaître la nature autour de soi, plutôt qu’aux Indes. »

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Coline Houot, Impression CNC, stylo plume, encre noire, 2021.

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Coline Houot, Impression CNC, stylo plume, encre noire, humidification du papier, 2021.

C.H. Ces penseurs insistent sur l’acte d’apprendre à vraiment connaître ce qui nous entoure et nous est familier avant de se tourner vers un pur exotisme.

V.Z. Et je pense qu’il en va aussi de la question de la globalisation de la mondialisation. Nous pouvons d’ailleurs parler d’une mondialisation du vivant et du voir. Nous sommes tellement pris par les réseaux, qu’il est facile d’échanger avec des botanistes du monde entier. Mais la mondialisation nous incite à nous déterritorialiser. Pourtant, je pense qu’il faut savoir s’ancrer pour mieux se connecter au reste et je perçois un positionnement du vivant lié à un contexte actuel.

C.H. Pour toi, la globalisation du monde peut être autant bénéfique que néfaste et dangereuse ?

V.Z. Je pense qu’il faut bien savoir s’articuler, ne pas partir dans le vertige de la mondialisation — pas seulement en terme économique, mais aussi en terme de flux, de communication. Il est très facile de vivre en se dématérialisant, en se virtualisant à travers nos appareils numériques. Néanmoins, il faut savoir, réapprendre à faire territoire, comme la mousse. Ce territoire est une articulation très nette entre le local et le global et, de mon point de vue, nous ne pouvons faire impasse sur aucun des deux. Il y a beaucoup d’ouvrages sur la question environnementale qui cherchent à s’ancrer dans ou à la marge du territoire dans lequel nous habitons. Pour moi, l’important réside dans l’articulation des deux et comme la mousse, de faire son territoire.

C.H. En parallèle de ton travail d’écriture, via ton Instagram (@lemondeestunlichen) et les photographies de différentes espèces de lichens, tu sembles accorder une place importante à la dimension matérielle de ton vivant. Peut-on vraiment parler de matérialité de ces vivants et cette matérialité est-elle liée à l’attrait esthétique qu’ils peuvent stimuler chez nous ?

V.Z. La beauté est une notion très subjective et durant de nombreux siècles, les botanistes parlaient souvent de beauté des plantes avec un soubassement religieux, notamment chrétien, comme pour montrer la beauté de la création divine.
  Personnellement, je dirai que la beauté des plantes, du lichen est la complémentarité de deux choses. D’abord, on retrouve tout un répertoire de formes, de couleurs et de textures liées à cette matérialité dont tu parles. Ces caractéristiques ont fait du lichen un sujet pour les artistes — particulièrement les sculpteurs, les brodeurs, les graveurs — qui, en cherchant à traduire artistiquement ces vivants, ont fait ressortir et ont joué avec cette matérialité. Le lichen, la mousse sont des structures complexes, molletonnées, qui attisent chez nous, je trouve, des pulsions tactiles. C’est pourquoi j’aime dire que ces vivants se touchent, se croquent ! On oublie souvent la question du toucher, mais c’est en cela que réside une forme de beauté.
  Ensuite, et c’est ce qui m’a beaucoup intéressé, c’est que l’on puisse voir dans la nature des œuvres d’art ou autrement dit, voir des images qui font œuvre d’art. Au départ, j’étais fasciné par les affiches déchirées dans la rue — très à la mode dans les années 1970 chez les nouveaux réalistes comme Jacques Villeglé. Bien sûr, ici, ce sont des «  productions humaines » mais on peut se poser les mêmes questions : comment des objets ou des êtres vivants, n’étant pas prévus pour cela, peuvent faire image, faire art ? Ces images naturelles, la forme du lichen, les traces sur la pierre… font appel à l’inconscient et dépassent la vertu psychanalytique pour toucher à la vertu de sensibilité.
  On retrouve donc ces deux aspects dans ce qui fait beauté chez nos vivants : d’une part le tactile, et d’autre part la notion d’image naturelle — comment une forme subjective, pas totalement reconnaissable, fait appel à notre inconscient et à notre imagination ?

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Grand lichen, Saint Agrève, 2022.

C.H. Lorsque j’ai commencé mon enquête, j’ai remarqué que les mousses ne s’inscrivaient pas dans la même temporalité que d’autres vivants. Véritables bio-récepteurs, leur développement n’est pas soumis aux saisons, mais à la qualité ou au taux d’humidité dans l’air par exemple. Elles fonctionnent comme des éponges. Ne possédant ni de vrais vaisseaux conducteurs, ni de véritables racines, ni d’organes de stockage, elles ont développé la capacité de supporter une période de sécheresse en cessant toute activité métabolique. Pour résister à la dessiccation, elles appliquent leurs feuilles contre la tige ou retournent leur thalle et prennent alors une apparence brune et rabougrie. C’est impressionnant d’observer cette phase de « dormance » qui peut perdurer jusqu’à une trentaine d’années pour certaines espèces. Au retour de l’humidité, toutes leurs cellules se gorgent très rapidement d’eau, les feuilles se déploient et reprennent leur couleur verte : elles reviennent à la vie. Ces réactions particulières me donnent l’impression que bien que nous vivions dans les mêmes espaces, ils sembleraient que nous soyons calés sur deux fréquences temporelles différentes. Pourtant, dans son livre La vie des plantes, l’écrivain Emanuele Coccia décrit les plantes comme des partenaires de vie et de pensée. Il est vrai qu’en menant cette enquête, les mousses m’ont fait me questionner sur ma façon de vivre et notamment sur mon rythme de vie. Comment perçois-tu cette notion de temporalité et le parallèle mousse/homme ?

V.Z. J’aime beaucoup cette idée de considérer le vivant, les mousses comme partenaire de pensée. C’est une réaction à la mode en ce moment, mais cela a la vertu de nous rapprocher au plus près du vivant. Lorsqu’Antoine Emaz écrit son poème « Autoportrait en végétal », on observe une tentative de voir le végétal comme miroir, comme autoportrait, comme essence même.
  Sur cette notion de temporalité, nous savons que le lichen et la mousse se développent très lentement. Ce qui me semble intéressant est d’essayer de se rapprocher d’organismes fonctionnant de façons très différentes des nôtres. Et c’est ce qui m’amène à parler maintenant de la notion d’échelle, rapportée à ce qu’on appelle la biodiversité négligée — ce que l’on regarde le moins : la mousse, le lichen, les insectes. Comment se familiariser avec ces organismes vivants à des échelles temporelles, mais aussi spatiales, radicalement différentes des nôtres ? Comment réussir à comprendre la mousse ou le lichen, s’ils sont cinquante fois plus petits et poussent à une vitesse de deux millimètres par an ? Autour de cela gravitent des questions philosophique, éthique, écologique, artistique… D’ailleurs, en imaginant son portrait en végétal, Emaz propose un modèle alternatif à une société qui est dans la fuite, l’accélération du temps liée à la question de mondialisation débridée dont nous parlions précédemment.

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Jacob Dillenius, Historia Muscorum, 1741.

C.H. En parallèle de ce que tu dis, j’aimerais citer un passage qui m’a marqué dans ton livre. Tu y expliques ce qu’est le wabi sabi, terme japonais : « Le temps ne doit être vu ou vécu comme une fuite, une perte ou une nostalgie, mais comme une évolution constructive ». Dans ce livre, tu parles également de notre ou de nos relations aux vivants et entre vivants.

V.Z. En effet, nous fantasmons et nous projetons nos représentations dans la nature. Un des mots devenant à la mode pour penser l’écologie est celui de « symbiose ». Le vivant est entremêlé, entrelacé, connecté, vit à tout instant dépendant d’autres organismes. Nous avons souvent tendance à projeter dans cette symbiose une forme d’idéalisme horizontal. Cette façon de penser fait écho à l’Hypothèse Gaïa où le vivant est considéré comme interdépendant mais à bénéfice systématiquement mutuel pour assurer un équilibre global. Il peut y avoir des déséquilibres, mais la nature saura tout le temps se rééquilibrer.
  Cela, j’y crois, mais jusqu’à un certain point seulement, il est important de nuancer son point de vue sur ces questions de symbiose et de bénéfice mutuel. Par exemple, le lichen est issu d’une symbiose entre un champignon et une algue, qui, à l’œil nu, ne forme qu’un. Ce n’est qu’au microscope que l’on parvient à identifier les deux séparément. Ici, je pense qu’il est difficile de qualifier jusqu’à quel point c’est un bénéfice mutuel ou à quel moment cela dérive vers une sorte de parasitisme. Pour te répondre plus directement, les dernières théories actuelles font état qu’au sein du lichen, c’est comme si le champignon, qui cultive les algues, crée une forme de dépendance des algues envers lui pour mieux recevoir le bénéfice de leur photosynthèse. Comme si c’était un partenariat orienté. Ma position est de dire que le vivant est en symbiose, en définissant « symbiose » comme « vivre ensemble ». Ce n’est pas la définition du mot sur laquelle s’accordent tous les scientifiques. En France, on associe la symbiose à une forme de mutualisme. Le plus important est de poser le fait que le vivant est en interaction.

C.H. Ces derniers mots me font rebondir sur cet extrait du livre d’Emanuele Coccia où il parle de relation des plantes : « Une substance est unifiée parce qu’elle est tout entière traversée d’un certain souffle par lequel le tout est tenu ensemble, reste ensemble et peut être en sympathie avec soi-même. Se mélanger sans se fondre signifie partager le même souffle. Il faut prêter attention à l’unité d’un corps vivant : les organes ne sont pas simplement juxtaposés, ni ne sont matériellement liquéfiés les uns dans les autres. S’ils constituent un corps, c’est parce qu’ils partagent le même souffle. De même pour le cosmos : être dans le monde signifie toujours partager non pas une identité, mais un même souffle (pneuma). ‹ Il y a un souffle qui meut soi-même vers soi-même et de soi-même › (Jean Stobée, Eclogarum physicarum et bthicarum libre duo, I, XII, 4) : telle est la dynamique du monde, son rythme immanent. Le souffle c’est l’art du mélange, ce qui permet à tout objet de se mélanger au reste des choses, de s’y immerger. […] Le monde est la matière, la forme, l’espace et la réalité du souffle. Les plantes sont le souffle de tous les êtres vivants, le monde en tant que souffle. Inversement, tout souffle est l’évidence du fait qu’être-au-monde est une expérience d’immersion. Respirer signifie être plongé dans un milieu qui nous pénètre au même titre et avec la même intensité que nous le pénétrons. Tout être est un être mondain s’il est immergé dans ce qui s’immerge en lui. La plante est ainsi le paradigme de l’immersion. » Ce texte nous rappelle que tous les vivants font partie d’un même ensemble et leurs modifications participent à une quête d’équilibre — un équilibre souvent mis en danger par l’Homme et ses actes éhontés. Pour reprendre les mots d’Emanuele Coccia en les rattachant plus précisément à notre enquête, pourquoi peut-on dire que la mousse est « le paradigme de l’immersion » ? Selon moi, la mousse agit aveuglément et d’après des causes que nous pouvons qualifier d’excitations. Celles-ci nous sensibilisent à l’idée de nous inclure à notre environnement, dans lequel tout est échange et accueil du monde tel qu’il est, dans sa temporalité, et non domination. Quel est ton point de vue sur cette question de « paradigme de l’immersion » à propos de la mousse, du lichen ?

V.Z. Je trouve la fin de la citation très belle et elle prend tout son sens lorsqu’on pense à la respiration des plantes. Que les plantes puissent brasser le monde par le phénomène de photosynthèse prouve qu’elles sont des organismes d’immersion.
  Les lichens et les mousses, contrairement à nous ou aux plantes vasculaires, n’ont pas de pores dans la peau ou de système de filtrage de l’air qu’ils reçoivent (les cuticules de protection) — comme les champignons, ils stockent les polluants. C’est pour cela qu’en ville nous ne retrouvons que certaines espèces de lichens qui apprécient ces polluants et que dès que la composition de l’air change, nous observons une disparition de certaines espèces. Ces réactions nous permettent de dire que le lichen, la mousse, est un organisme d’immersion, puisqu’il est pur accueil du monde.
  Ce qui est en jeu, derrière la citation poétique d’Emanuele Coccia, est que les plantes accueillent le monde par l’atmosphère et le régénèrent par la photosynthèse. La respiration des plantes, c’est la respiration du monde. À chaque instant, nous respirons des graines, des bactéries, de spores de champignons, de lichens. Nous respirons ces vies, la vie, et cela est la preuve même que nous sommes parfaitement immergés.

C.H. Lors de mes recherches, j’ai lu un article dont le titre était le suivant : « Les mousses ne meurent jamais ». Surprise par cette affirmation, je souhaitais y ajouter un point d’interrogation comme pour exprimer l’étonnement que cela introduit.

V.Z. Évidemment qu’elles meurent. Ça serait très idéaliste de dire que les mousses, comme les lichens, sont des organismes résistants qui ne meurent jamais. Mais te répondre comme cela est plat et inintéressant. Les mousses et les lichens ont cette vertu de pouvoir se dessécher, de pouvoir vivre dans un état de dessiccation et par la suite de revenir à la vie (en 2014, des scientifiques sont ainsi parvenus à « réanimer » des mousses prisonnières du pergélisol antarctique depuis 1500 ans). C’est justement le fruit de l’adaptation incroyable du vivant à des conditions extrêmes. J’aime beaucoup utiliser le mot « extrêmophile », pour dire qu’ils aiment ce qui est extrême, dans le sens où ils ont été créés (non au sens divin) pour ce genre d’écosystème difficile. C’est pour cela que nous retrouvons ces espèces dans des milieux urbains et dans des milieux où les conditions climatiques sont arides.

C.H. Poser son regard sur la banalité c’est l’extirper de son mutisme, voir ce qui était devenu invisible. Je me suis redécouverte et reconnue dans la perception, l’appréhension et l’occupation du monde à laquelle Coccia essaie de nous sensibiliser.

V.Z. Ce que tu dis sur le banal rattaché aux vivants est intéressant face aux problèmes urbains actuels. Nous cherchons à mettre du vert dans la ville sans même s’apercevoir que la ville est déjà verte. Non seulement parce qu’il y a du vert dans les interstices, mais aussi parce que nous, nous sommes natures. L’écologie urbaine doit prendre appui sur cette biodiversité déjà présente plutôt que d’essayer d’introduire de nouvelles espèces d’abord parce que ces espèces sont résistantes à ce genre de milieu et peuvent réparer des lieux. Nous appelons mycoremédiation l’action des plantes, des champignons à réparer des sols abîmés et les rendre à nouveau fertiles. Comme l’on raisonne beaucoup par opposition entre ville et campagne, nature et culture, pour nous, rendre verte la ville, c’est réintroduire des plantes de l’extérieur. Mais nous semblons nous tromper. Commençons par regarder le banal, les interstices…

posterColine

Coline Houot, Impression CNC, feutre, encre verte, 2021.

Bibliographie

Zonca Vincent, Lichens : Pour une résistance minimale, Humensis, 2021 † Kimmerer Robin Wall, Gathering Moss, Penguin UK, 2003 † Coccia Emanuele, La vie des plantes : Une métaphysique du mélange, Bibliothèque Rivages, 2016 † Perec George, L’infra-ordinaire, Éditions du Seuil, 2015 † Laurent Burgisser, « La mousse ne meurent jamais », Radio Télévision Suisse, Les petites bulles, 2012, lien vers le podcast † Adèle Van Reeth, « ‹ La vie des plantes › par Emanuele Coccia », France Culture, Les Chemins de la philosophie, 23 février 2018, lien vers le podcast † Raphaël Bourgois, « Qu’est-ce qu’une plante ? de Florence Burgat/Manières d’être vivant de Baptiste Morizot », France Culture, Avis critique, 7 mars 2020, lien vers le podcast † Metabolic Selves, Moss Matters, 2020-2021, lien vers le podcast † BNF, Guiseppe Penone, Sève et pensée, Paris, 12 octobre 2021–23 janvier 2022 † Museum Für Gestaltung, Formafantasma: Cambio—Tree, Wood, Human, Zürich, 3 janvier 2021–8 Mai 2022

Entretien réalisé par Coline Houot le 16.12.2021.


  1. Une espèce est qualifiée d’ubiquiste ou encore ubiquitaire lorsqu’elle se maintient dans plusieurs biotopes tout en occupant des niches écologiques variées, éventuellement avec une distribution géographique étendue (Source Wikipedia). 

/back-to-the-nineties/

8vo
23.07.2023

Back to the Nineties

Octavo1 est une revue typographique anglaise, publiée entre 1986 et 1992 par le studio 8vo (Simon Johnston, Hamish Muir et Mark Holt). 8vo va contribuer à importer le style et la typographie suisse en Angleterre. Avec l’aide du rédacteur Michael Burke, huit numéros d’ Octavo seront publiés, de manière auto-gérée et auto-financée, dont la production fut assurée en parallèle des projets de commande de 8vo. Voici deux extraits qui portent la voix caractéristique de leur radicalité et de leurs engagements.

Octavo 90.7 The New Synthesis, Studio 8vo, 1990, p. 1–2

Édito paru dans
Octavo 90.7 The New Synthesis,
Studio 8vo, 1990

Notre perception de la typographie des années 1920 et 1930 est souvent limitée par la manière dont elle est reproduite dans les livres — mauvaise échelle, couleur, forme et contexte. Nous montrons les objets de cette époque comme des objets en trois dimensions, et non pas comme des réductions de l’existant. Il faudrait les montrer dans leur contexte et se débarrasser des idées toutes faites sur un style et des contenus que les gens ne comprennent qu’à moitié et copient de la pire des manières, en s’appropriant à tort les travaux pionniers du modernisme, en considérant ce dernier comme un style accessible à tous·tes. En ignorant les procédés de production qui ont gouverné son apparition, iels ignorent aussi le climat dans lequel il a évolué.
  La technologie et les moyens de production devraient déterminer la forme et l’usage de la typographie et de l’image. Ce n’est aujourd’hui plus pertinent d’avoir des fontes à empattements alors que nous sommes dans l’âge de la publication assistée par ordinateur et ses réglages numériques. Nous devons trouver un vocabulaire d’expression qui ait du sens aujourd’hui. Des affirmations à propos de là où nous en sommes et où nous voulons aller, pas des rebuts nostalgiques vides de sens.
  Un nouveau langage de synthèse est nécessaire ; il doit exprimer l’esprit de notre époque et ne pas avoir peur de demain. Il doit défier la hiérarchie du pastiche romantique. « La nouvelle synthèse » doit exprimer la relation entre la signification et l’apparence de la typographie et de l’image, tout en repoussant les frontières de nos technologies ; utiliser la structure et la forme pour aller plus loin que le « c’est fait sur ordinateur donc ce doit être génial » que le papier peint typographique et pictural d’aujourd’hui propose. Elle doit rejeter la typographie morte dérivée de la presse typographique et toutes ses conventions qui la protègent. Et ce ne sont pas seulement les journaux, livres et magazines, c’est l’ensemble, de la VDUs (video display unit, terme anglais obsolète qui désigne un dispositif d’affichage vidéo) en passant par les titres télévisuels, jusqu’aux systèmes d’information numériques.

Bridget Wilkins, « Type and Image », Octavo 90.7 The New Synthesis, Studio 8vo, 1990, p. 8–9.

Bridget Wilkins, Type and Image
[Mot & Image] Paru dans
Octavo 90.7 The New Synthesis,
Studio 8vo, 1990

Est-ce possible aujourd’hui de faire référence à « l’image et la lettre » dans le même espace, le même souffle, la même phrase ou la même page d’une manière significative ?2 : Ces deux entités doivent par définition communiquer un message visuel, et sont seulement valides lorsqu’elles fonctionnent en tant qu’unité, en harmonie, en empathie et ensembles, liées dans leur contexte et leur emploi visuel. La conception thatchérienne3 de haute volée du « design » n’encourage ni ne soutient cette définition. Elle promeut et soutient la typographie en tant que décoration, l’image en tant que décoration, la typographie et l’image en tant que décorations, séparés et vidés de toute sensibilité à l’amélioration, sans parler de leur absence de réflexion par rapport au message. Le message devient contaminé et pollué, nul et vide, sous l’influence de l’art décoratif. En Grande-Bretagne, regardez Design Week4, les infos de la BBC5, La National Gallery6, Le Design Council7, le nouveau Design Museum6, et même les musées rénovés de Kensington8, dont les designer·euses en disent « le shopping est un loisir, au même titre que les visites de musées, et il doit être mis en lumière de la même manière. »
  La prolifération et saturation de type « grande rue », avec des caractères décoratifs et des images publicitaires n’est pas une excuse pour que le domaine de l’impression en reprenne les codes. En Grande-Bretagne nous sommes enfermé·es sur une île culturelle, nous complaisant dans la fausse sécurité des interprétations erronées de notre patrimoine visuel et industriel. La presse typographique a facilité le processus d’impression, mais a en même temps établi des conventions visuelles particulières de structure, comme les grilles et les colonnes. Ces conventions sont encore respectées dans la plupart des usages de la typographie et de l’image, que ce soit dans un catalogue de la National Gallery ou durant la Design Week. Bien que les presses typographiques fassent maintenant partie des musées, les mots et les images sont maltraités et contraints dans des formes arbitraires et préconçues. Cette camisole visuelle nostalgique se moque de la communication et de la signification du message. Elle sépare l’image et le texte. Les typographes ne lisent pas, en revanche iels décorent et illustrent des pages.
  Ainsi, dans la terminologie actuelle du design, la typographie relève de l’art illustratif ou décoratif, qu’elle soit réalisée par Brody9 ou par le ministère du commerce et de l’industrie, avec ce malentendu d’aspirer au statut désuet des arts libéraux10. Sommes-nous toujours dans les années 1950, comme l’identité visuelle de la BBC essaie de nous faire croire ? Après tout, c’est à cette époque que le département de design graphique et typographie fut créé au Royal College of Art11. En 1949, le calendrier de l’école indiquait que « les écoles des beaux-arts ne sont pas seulement d’une importance primordiale, mais qu’elles sont également la source d’inspiration du design ». Où sommes-nous encore dans les années 1930, comme l’imagine le Design Museum avec ses légendes et ses signes, mis en scène dans un Gill  engrillagé, car « Eric Gill12 était anglais, travaillait à Londres et a surtout travaillé sur des projets industriels ». Aujourd’hui le dictionnaire définit la typographie comme « l’art de l’impression ». Dans les années 1930, elle était définie comme « écrire avec des caractères ». Art ou écriture ? Qu’est-ce qui est préférable ?
  Les caractères imprimés, en raison du développement historique entrepris par Gutenberg13, jouissent d’une respectabilité et d’une autorité que les mots écrits manuellement ne possèdent pas. Le Design Center à Londres établit que « le design est l’ingrédient supplémentaire vital qui aide les entreprises prospères à atteindre leurs objectifs spécifiques en matière d’impression ». Quelle arnaque ! L’objectif principal du design ne serait pas la communication ; ni même les mots, la typographie ou l’image — mais le design, comme pour les jeans de designer ou les pizzas de designer.
  Évidemment le type et l’image ne peuvent qu’être abordés dans un certain contexte, prenant place après l’avènement de la typographie. Le terme « type » implique un procédé particulier. Mais les premières pages composées avec des caractères typographiques visaient à imiter les pages manuscrites. Cependant, la page manuscrite était conçue comme un tout. L’image, comme les lettres, faisait partie intégrante de la page.
  La lecture rapide a été rendue possible par des abréviations standardisées, communiquées visuellement via le mot et l’image, les caractères indiquant une abréviation apparaissant souvent au-dessus de la ligne de base. Avec les capitales enluminées, l’image faisait partie intégrante des lettres et des mots. À l’époque médiévale l’alphabétisation visuelle était forte ; les mots et les images n’avaient aucun sens sur la page l’un sans l’autre. L’usage courant était indiqué par la relation visuelle des mots avec l’image — les Bibles exposées dans les églises étaient visuellement différentes des livres à lire seul·e. Leur usage était communiqué visuellement.
  Depuis Gutenberg, l’alphabétisation visuelle et la relation texte-image dans la page ont diminué. Aujourd’hui, l’alphabétisation visuelle est à son plus bas niveau. Le texte/la lecture à pris le dessus sur le visuel et maintenant l’obsession et la séduction des possibilités techniques dominent le processus d’impression. La relation entre contenu, signification, contexte, texte et image a été progressivement réduite. L’impression typographique a facilité beaucoup de choses, mais a aussi établi des conventions et traditions qui n’étaient pertinentes que dans le cadre de ce processus d’impression. Le processus et la technique ont asservi et brouillé les formes visuelles et nous nous complaisons dans une révolution technologique.
  Les mots, les phrases et les images qui ont une signification particulière sont indifféremment forcés/contraint dans des mises en page centrées et prédéterminées. Pourquoi une mise en page centrée ? Elle trouve son origine dans le format du livre. Quelle est sa pertinence aujourd’hui ? Elle est facile, c’est une convention, une tradition à laquelle on adhère comme à une formule sûre, dont on oublie la logique et les raisons ; une camisole de force enracinée dans le processus de la typographie, qui ne connaît aucune remise en question.
  John Gloag14 écrivait en 1946 « La mise en page statique, symétrique, joliment équilibrée est extrêmement gratifiante pour sa·on créateur·ice. En fait, iel est tout aussi peu inventif·ve qu’un·e architecte de l’époque victorienne ou édouardienne15 qui aurait plaqué un style architectural basé sur les ordres classiques sur la façade de son bâtiment ». J’y ajouterais le journal The Independent16 : un classicisme de façade, avec une touche décorative.
  Ce qui est « lisible » est facile à lire. Si c’est facile à lire, cela n’exploite pas le potentiel visuel du message. Les gens préfèrent le confort de la lisibilité. L’approche passive et confortable de la lecture ainsi qu’une conception négative des interrelations visuelles entre le texte et l’image ont été fermement instituées par Stanley Morison17 dans les années 1930 avec la perpétuation d’une culture arriérée de la lecture de gauche à droite.
  Cette conception est renforcée à l’époque par de nombreuses personnes comme Bartram18 : « la lisibilité est, bien entendu, la condition sine qua non d’un bon caractère. Cela va de soi. C’est une considération aussi élémentaire et vitale que le fait que les roues d’une voiture doivent être rondes, ou qu’une maison doit avoir une porte ». Malheureusement, ces idées ont encore cours aujourd’hui, de sorte que la lecture rapide est considérée comme une compétence souhaitable et l’on ignore le potentiel de la communication visuelle du texte et de l’image.
  Les recherches ont montré que nous sommes tellement visuellement illettré·es que la première chose que les gens recherchent sur une page est la légende, en tant qu’indice de lecture visuelle du mot et de l’image. Un indice et un guide pour le message. L’imprimé signifie le confort. On leur a lavé le cerveau pour qu’il s’éteigne. La plupart des gens qui achètent Octavo ne le lisent pas. Il ne faut pas faire d’effort. Iels sont préconditionné·es pour réagir au texte en tant qu’image, plutôt qu’à la typographie et à l’image. Voilà pour l’alphabétisation visuelle ! Dans la plupart des cas, il s’agit certainement de caractères comme image plutôt que de caractères et d’images.
  La typographie en tant qu’image seule n’a de sens que si elle a une relation avec l’information qu’elle communique, sinon elle ne peut être que décorative. Les formations ont encouragé le développement d’une typographie décorative, conçue comme une image. Nous avons toute la gamme des mélanges. Les cahiers de coloriage pour enfants, dans lesquels iels remplissent des formes préconçues avec des motifs colorés, du texte et des images, ou la soupe visuelle, la fast food déshydratée puis pulvérisée sur la page. Même les enfants scolarisés aujourd’hui en Grande-Bretagne ne sont pas visuellement sensibilisés aux lettres, comme c’est le cas dans les pays orientaux ou du temps d’Alfred Fairbank19. Notre environnement passif requiert des résultats instantanés. Des jardins instantanés, avec des plantes adultes en pot, issues du magasin de jardinage; de la nourriture de fast food raffinée instantanée ; la fadeur instantanée du texte et de l’image. Letraset20, dans le passé et désormais le Mac ont permis l’impression instantanée, mais à quel prix ?
  Le prix à payer est celui de la cécité visuelle et de l’insensibilité. La typographie et l’image ne peuvent qu’être qualifiées d’éclaboussures sur la page pour s’intégrer dans son motif, ou créer un motif. Les grilles, les mises en page centrées et les formules toutes faites sont des camisoles de force. La lisibilité apporte un confort de lecture au lieu de permettre une interprétation visuelle de l’information, nouvelle à chaque fois, qui en renforce le sens. Lire devrait être attirant et accueillant, un stimulant pour les sens, visuellement et intellectuellement.
  Rien qu’à Londres, il y a plus de 900 praticien·nes du design graphique. Iels se complaisent dans le design et engourdissent l’alphabétisation visuelle. Les hiérarchies visuelles de Thatcher l’imposent. Alors pourquoi la rédaction d’Octavo  a-t-elle choisi la typographie et l’image comme thème de ce numéro ? La réponse dépend de la quantité de texte que vous avez lu.

Note sur l’objet

Louna Bourdon

Les moyens d’impression déployés pour la plupart des numéros furent colossaux : offset 6 couches, tons directs, gaufrage, vernis sélectifs dans les pages intérieures, impression sur papier couché Job Parilux, chez le meilleur imprimeur de Londres, ce qui eut pour effet de créer des surcoûts de production pouvant parfois aller jusqu’à 15 000 livres par numéro (!) Malgré tout ce luxe, Octavo  gardera la même forme éditoriale durant toute son existence : 16 pages, format A4, reliure en piqûre à cheval et jaquette en papier calque. Le texte traduit ici fut publiée dans le numéro 7 The New Synthesis. Cet article de Bridget Wilkins est devenu le symbole d’Octavo, la première image mentale que l’on s’en fait. Cela est dû à la qualité de l’article et à son aspect novateur pour son époque, mais aussi à sa mise en page. Présenté sur une double page, l’article est morcelé en courts paragraphes, qui courent sur toute la surface d’une grille jaune savamment mise en place par 8vo. Des chiffres, de prime abord aléatoires, précèdent chaque début de paragraphe. Après réflexion et observation, on réalise qu’ils correspondent à des coordonnées spatiales dans la grille jaune. Ce système, certes très recherché et visuel, est une énigme difficile à résoudre, aussi 8vo a choisi de retranscrire l’article intégral à la fin du magazine. Imprimé en très petit corps, en linéale magenta sur fond jaune, à côté du colophon et des crédits photographiques, le texte est relégué au stade de sous-texte, phénomène qui va de pair avec les opinions radicales de 8vo sur la relation texte-image, et la thèse de l’article. Dans cet article, Bridget Wilkins s’interroge sur les conventions et usages graphiques et typographiques traditionnels de son temps, qui sont parasités par les mauvaises habitudes des designer·euses graphiques au début des années 1990. Ce numéro d’Octavo  aura de nombreux détracteurs, certains reprocheront l’effet « nappe de pique-nique » que les grilles jaunes créent, et sa mise en page qui malmène la lisibilité. C’est aussi l’avant-dernier numéro d’Octavo, l’un des plus radicaux en terme de mise en page. Avec ce numéro, 8vo donne à la majorité de son lectorat ce qu’ils attendaient : un livre-objet de collection, et un espace de débat typographique et graphique.

Octavo 90.7 The New Synthesis, Studio 8vo, 1990, p. 14–15

Pour aller plus loin, voir l’article « La communication dans sa forme la plus intense », Mark Holt et Hamish Muir, Azimuts, nº 36, Une anthologie. A reader, 2011, Ésadse/Cité du Design, p. 179–208.

Traduction et note sur l’objet de Louna Bourdon en mai 2023.


  1. Le nom de la revue est une référence directe à la dénomination historique latine in-octavo donnée aux ouvrages façonnés par cahiers de 16 pages. C’est aussi une description stricte de l’objet produit : chaque numéro d’Octavo est un cahier de 16 pages. « Le ‹ in- › (du latin signifiant ‹ en ›) dans les noms des formats de livre et des types d’imposition annonce le nombre de pages que contient au recto (ou au verso) la feuille de papier utilisée pour son impression. In-4o, par exemple, veut dire que la feuille d’impression contient 4 pages du livre au recto, et 4 pages au verso, soit 8 pages en tout. » (E. Dussert & C. Laucou, Du corps à l’ouvrage, 2019). 

  2. Allusion au fameux « To mention both typographic, and, in the same breath/sentence, grids, is strictly tautologous » d’Anthony Froshaug, « Typography is a grid », The Designer, 1967. 

  3. En référence au gouvernement conservateur et libéral de Margaret Thatcher (1925–2013), première ministre de la Grande-Bretagne de 1979 à 1990.  

  4. Magazine de design hebdomadaire britannique, publié depuis 1986. Design Week  est devenu exclusivement numérique à partir de 2011.  

  5. La BBC (British Broadcasting Corporation) est le radiodiffuseur public britannique. Existant depuis 1922, c’est le plus ancien radiodiffuseur national du monde.  

  6. Musée londonien existant depuis 1824. 

  7. Créé en 1944, le Design Council  (anciennement l’Industrial Design Council ) est le conseiller national stratégique en design du Royaume-Uni.  

  8. Le Design Museum se situe à Londres, dans le quartier de Kensington depuis 2016. Il a été fondé en 1989 (d’où son appellation nouveau musée du design dans le texte). 

  9. Kensington est le quartier culturel de Londres, puisqu’on y trouve de nombreux musées d’importance. On peut citer le Victoria and Albert Museum, le Design Museum énoncé précédemment, le Natural History Museum et le Science Museum.  

  10. Neville Brody (né en 1957) est un designer londonien ayant joué un rôle important dans le développement du post-modernisme en outre-Manche. Il dirige le studio international de design graphique Brody Associates (anciennement Research) et est l’un des fondateurs de la fonderie typographique FontWorks.  

  11. Les « Arts libéraux » désignent les disciplines intellectuelles fondamentales dont la connaissance depuis l’Antiquité hellénistique et romaine était réputée indispensable à l’acquisition de la haute culture. Source : E. Universalis

  12. Le Royal College of Art de Londres est l’une des écoles publiques d’art et de design les plus importantes du Royaume-Uni, elle a été fondée en 1837. Y sont enseignés l’art, le design, la mode et l’architecture.  

  13. Eric Gill (1882–1940) est un artiste, sculpteur et typographe anglais. Il est notamment l’auteur du Gill Sans, du Perpetua  et du Joanna. Son livre Un essai sur la typographie  reste encore aujourd’hui une référence. 

  14. John Gloag (1896–1981) est un écrivain anglais. Bien qu’il ait essentiellement écrit des romans de fiction, il a aussi publié de nombreux livres sur le design et le mobilier, dont la plupart reste encore aujourd’hui des références, tels que A Short Dictionary of Furniture  (1969) ou son pamphlet Artifex, or the Future of Craftsmanship  (1926).  

  15. L’époque victorienne correspond au règne de la Reine Victoria, de 1837 à 1901. Elle se caractérise par la révolution industrielle, un essor économique et une prospérité importante du Royaume-Uni. L’époque édouardienne la suit, elle correspond au règne d’Édouard VII, de 1901 à 1910 (certain·es l’étendent jusqu’à 1914 ou 1918, pour y inclure le naufrage du Titanic et la Première Guerre Mondiale). Elle se caractérise par un goût prononcé pour l’art et la mode, le développement de l’électricité, le début de certaines luttes sociales telles que le féminisme, ainsi qu’un style architectural original.  

  16. Quotidien généraliste anglais fondé en 1986. Son encartement politique est centre-gauche, et sa version en ligne a été lancée en 2016.  

  17. Stanley Morison (1889–1967) est un typographe et historien anglais, auteur du Times New Roman.  

  18. Alan Bartram (1932–2013) est un designer graphique et historien du design anglais. C’est une figure importante du développement du design de livre et de la typographie en Angleterre.  

  19. Alfred Fairbank (1895–1982) est un typographe, calligraphe et écrivain anglais. Il a créé la première fonte italique de Monotype, l’italique du Bembo. Il a co-fondé la société des scribes et enlumineurs, et a créé la société pour l’écriture italique.  

  20. Letraset est une ancienne société britannique fondée en 1959, connue pour ses caractères transfert. Elle devint progressivement une fonderie typographique. Ils sont les distributeurs des polices Compacta  (Fred Lambert, 1963), Countdown  (Colin Brignall, 1965), Revue  (Colin Brignall, 1968–1969) et Data 70  (Bob Newman, 1970). 

Aurélien Débat est né en 1979 en Alsace. Après des études d’illustration à l’École des Arts Décoratifs de Strasbourg, il commence à dessiner pour la presse et l’édition jeunesse. Depuis une dizaine d’années, il mène une recherche graphique et ludique qui touche aussi bien à l’illustration, au design graphique, qu’à l’architecture, par le biais d’images imprimées, de mises en volumes et la fabrication d’objets. Il collabore notamment avec la Cité de l’Architecture, le Centre Pompidou, la Fondation Louis Vuitton pour réaliser des dispositifs participatifs. Son travail s’articule essentiellement autour des notions de jeu, d’outils et de construction modulaire. Au travers d’installations, de livres, de mallettes pédagogiques, d’objets, il propose au spectateur de s’emparer d’outils, sous forme ludique, laissant ainsi une place au mouvement et à la création.

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Adèle Chaplain est étudiante à l’École supérieure d’art et design de Grenoble-Valence. Elle s’intéresse aux liens qu’entretiennent dessin et design graphique, et plus largement à l’hybridité des pratiques du champ des arts visuels.

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Citer cet article« Entre bâtons et élastiques », Aurélien Débat par Adèle Chaplain, 15.06.2023, PNEU, https://revue-pneu.fr/entre-batons-et-elastiques/, Consulté le 21.11.2024

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Entre bâtons et élastiquesAurélien Débat

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